par Oscar Gougenot
Comment percevoir le monde sans être aliéné à l’heure de l’image numérique ? Y a-t-il aujourd’hui des hybridations possibles entre technologie digitale et design afin de créer des outils de perception et diffusion du réel rééquilibrant l’homme ? La technique peut-elle nous connecter au monde plutôt que de nous en éloigner ? Un objet numérique peut-il faire le lien entre un souvenir sensoriel extérieur et l’espace intérieur où il est situé ?
En repartant de l’expression du peintre italien Leon Battista Alberti dans son traité De Pictura sur le tableau devant être : «Une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire.» mon diplôme tentera de traiter à travers le prisme de fenêtres numériques, la séparation et le lien qu’elles créent entre différents espaces. Celui du réel et un espace de souvenirs, de narration, de contemplation, source de lumière.
En 2009, dans son ouvrage « Le futurisme de l’instant », l’essayiste Paul Virilio dénonçait ce qu’il nomme une «accélération du réel » qui déterminerait non seulement l’histoire de notre époque moderne mais aussi une culture de l’instant, omniprésente. Où la Terre serait devenue trop petite pour nos projets, où tout irait trop vite.
En effet, après la conquête de l’espace terrestre puis spatial, l’ère moderne semble se concentrer désormais sur le nouveau territoire qu’offre le virtuel avec la possibilité d’accéder à n’importe quelle donnée, information ou espace de façon numérique. Avec des logiciels comme google earth il est désormais possible de : « voyager à travers le monde sans quitter notre fauteuil » ce qui pose question sur le sens du terme « voyager » et notre façon d’appréhender le monde sensible auourd’hui.
Àl’heure où notre temps d’attention est de plus en plus limité et que seules des images fortes peuvent capter notre regard plus de quelques secondes, il semble que l’on ait perdu notre capacité d’émerveillement du monde sensible, et qu’existe un sentiment de l’être-dans-le- temps et de l’être-dans- le-monde d’un type nouveau. Comme le remarque Virilio, le monde semble désormais « s’abattre en permanence sur le sujet avec la violence d’un accident». Les concepts médicaux de choc et de trauma seraient des catégories tout à fait appropriées pour en rendre compte.
· Objectifs et engagements :
– Proposer à travers une gamme d’objets prenant place en intérieur, des expériences sensibles d’appréhension et réappropriation du réel, invitant à un voyage immobile, méditatif, permettant de s’attarder, se recaler dans le monde, à travers la vision de phénomènes extérieurs.
– Mettre l’objet devant la question du temps et s’interroger de manière générale sur le souvenir, la matérialité ou immatérialité d’une expérience.
· Pistes proposées à développer :
– Penser une fenêtre numérique comme une ouverture sensorielle.
– La création d’un kit physique et numérique de captation, d’expérimentation et de retranscription de phénomènes naturels.
– La création d’une plateforme numérique de partage de phénomènes sensibles à travers le monde comme la lumière, les couleurs, le son ou le vent.
– Sortir de la fenêtre pour matérialiser autrement ces perceptions dans l’espace.
– La mise en place d’une bibliothèque des sens et phénomènes naturels qui prendrait place en ville.
· Partenariats engagés ou envisagés :
– Possibilité d’aller voir une municipalité afin de proposer un espace de repos et d’expérience du sensible, une bibliothèque du sensible comme une hétérotopie en ville.
– Contact avec un fabriquant de LED comme Traxon ou Magnum afin de développer les objets à partir des outils disponibles sur le marché.