Depuis le début du 21ème siècle, de nouveaux objets couplés à des systèmes de communication ont complexifié notre environnement. Cela a entraîné un renouveau des usages impliquant une simplification des gestes. Afin d’exprimer notre discours de manière concrète nous avons décidé d’élaborer un montage vidéo associé à une pièce sonore, illustrant la manière dont le geste fonctionnel construit une relation entre usager/objet et comment les évolutions technologiques ont induit de nouveaux rapports à nos outils.

Au cours du 20ème siècle, le design industriel s’est imposé comme un élément facilitant la compréhension des progrès techniques et scientifiques dans l’environnement quotidien. Cet ensemble constituant un patrimoine de gestes et de signes a déterminé l’identité de l’individu et la communauté dans laquelle il s’inscrit. Comprendre les gestes impliqués dans l’usage des appareils, dans leurs formes, significations et finalités, permet de créer un lien fort, quasi universel avec les objets du quotidien. L’un des principaux enjeux du design industriel du 20ème siècle a donc été de construire par la forme et le geste la cohérence entre l’individu et son milieu fonctionnel.

Dans Le système des objets, Jean Baudrillard décrit les changements de notre quotidien par la modernité et l’industrialisation. « La cohérence du système fonctionnel des objets lui vient de ce que ceux-ci […] n’y ont plus de valeur propre, mais une fonction universelle de signes. » (Baudrillard, 1968, 90) . Au quotidien, nous manipulons une grande diversité d’objets comme les ustensiles, les outils, les meubles, les appareils ménagers. S’ajoute à cela, les appareils électroniques qui complexifient considérablement notre environnement.

Nous avons voulu créer un registre ou un répertoire de gestes, de signes, de manipulations, de sons, de signaux formulant un langage propre à la relation établi entre l’usager et l’objet. Une confrontation se dessine dès lors que l’humain manipule les objets comme il manipule des signes, créant un passage de la matérialité physique impliquant le corps à la commande vocale impliquant l’esprit. Cette évolution du corps vers le cérébral se traduit par une simplification et une réduction des gestes. Néanmoins, c’est uniquement la forme qui change, le geste devient systémique, automatique, presque naturel. Baudrillard évoque d’ailleurs cette perte du gestuel d’effort impliquant la motricité de tout le corps au profit d’un gestuel de contrôle n’impliquant plus que le contact des « extrémités ».

Un nouveau milieu humain prolongeant notre corps que Marshall McLuhan décrit dans Pour comprendre les média : « Toutes les technologies créent petit à petit un milieu humain totalement nouveau. Les milieux ne sont pas des contenants passifs mais des processus actifs. Les technologies ne s’ajoutent pas à ce que nous sommes déjà, elles prolongent. » (12), 1964. De plus, avec l’arrivée de la commande vocale, il y a une séparation entre le corps et la voix, déshumanisant le geste et humanisant l’objet, mettant en évidence le passage d’en bas (les pieds) vers le haut (l’esprit) : « (…) Avec le phonographe puis les magnétophones et les téléphones, la voix a été isolée du corps visible. » (29) Pierre-Damien Huyghe, Vitrines signaux logos.

Les objets numériques tendent à se rapprocher de l’autonomie fonctionnelle puisqu’ils permettent par leurs connexions aux réseaux d’obtenir des réponses quasi instantanées sur n’importe quel sujet. En d’autres termes, l’objet numérique se déleste des contraintes fonctionnelles matérielles en remplaçant les outils traditionnels par des signes numériques immatériels, illisibles par les usagers. Cela éloigne et détériore considérablement les valeurs d’usage et d’estime des usagers aux objets.

 

https://youtu.be/fNnZVM8z0VY

 

Gabriel Bracaval et Théo Étrillard