La pièce Les félins m’aiment bien ne semble pas se dérouler dans un univers bien défini. À la lecture de la pièce, l’important état d’isolation et de repli dans lequel sont plongés les protagonistes m’a frappée. Ils n’ont aucun contact avec l’extérieur, et sont entre eux marqués par un égoïsme fort. Un second élément m’a aussi frappée : la vanité et l’impermanence à laquelle sont soumises les personnages. Tout semble sans cesse en mouvement : le mobilier, qui change sans cesse. Les figures, qui se transforment en monstres mangeurs de chairs. Les personnages, qui tentent de changer d’identité. Tout semble évanescent.
C’est ainsi que j’ai imaginé un univers froid, inquiétant, mais surtout terriblement aseptisé et artificiel. Une sorte de lieu aveugle, flottant dans le noir, dans lequel des lumières irréelles viennent rythmer les journées. La principale caractéristique du lieu serait ces énormes bocaux, meublant entièrement l’espace. Les acteurs évolueraient au milieu d’eux comme dans un palais des glaces. Les bocaux seraient recouverts d’une matière leur donnant l’aspect d’un miroir, renvoyant le reflet des protagonistes à l’infini, leur empêchant d’avoir un quelconque regard sur l’extérieur. Le son participerait à ce jeu de reflet : les paroles, les bruits, tout semble être renvoyé par l’écho. Les personnages se retrouveraient ainsi piégés dans un labyrinthe de miroirs d’images et de sons, où le semblable devient tantôt désir, tantôt hostile. Une fois éclairés de l’intérieur, les bocaux dévoilent leur partie cachée : une serre, complétement artificielle. Quelque chose de très maîtrisé, qui ne tardera pas à échapper à tout contrôle.
Très vite, le décor perdra son côté aseptisé au profit de quelque chose de bien plus viscéral : de la terre qui jonche le sol, des objets éparpillés, des blocs renversés : une matière qui contamine le décor, qui rappelle la chair, le sang et l’animalité présente en toute chose, aussi lisse et propre soit-elle.