Du corps à l’environnement – Mai 2021

« Enveloppe·s dans le soin « 

Une journée organisée par : 

Sophie Larger, designer enseignante design objet de l’ENSAD-Paris

Marie Coirié & Carine Delanoë-Vieux, responsables du lab-ah

Anne Xiradakis, designer enseignante de l’ENSA-Limoges : anne.xiradakis@ensa-limoges.fr 

 

Partenaires : Le lab-ah (laboratoire de l’accueil et de l’hospitalité du GHU Paris – psychiatrie &

neurosciences), l’ENSA – Limoges (École Nationale Supérieure d’Arts).

 

La notion d’« enveloppe » revient comme une antienne dans le champ de la santé et en particulier dans celui de la santé mentale. Elle n’est pas un objet en soi mais désigne une fonction psychique. L’enveloppe se réfère à l’intimité de la petite enfance, quand le bébé construit la conscience de sa propre limite avec le monde extérieur contenant son Moi, son psychisme. Elle est une sensation physique et psychique de réassurance indispensable à nos existences, notamment dans les moments de grande fragilité. Elle a fonction de barrière de contact (Freud 1895) avec le monde extérieur et, quand elle est défaillante, provoque une angoisse profonde. 

Nous proposons de réfléchir à la manière dont l’art et le design peuvent penser des artefacts et des situations en appui au travail des soignants de contenance, de restauration de l’enveloppe psychique fragilisée par la souffrance. Car soigner c’est contenir et transformer les angoisses que dépose la personne. Comment passer de la métaphore à la mise en œuvre ? Qu’est-ce qui peut faire enveloppe par le geste, par l’objet, par l’environnement ? 

Pourquoi enveloppes et soin ?

Être enveloppé·e, c’est la sensation d’une contenance bienfaisante, qui apporte réconfort et protection et rappelle la sensation intime de l’enveloppe maternelle. Dans le champ de la santé et en particulier de la santé mentale, les personnes fragiles ressentent le besoin d’être enveloppé. Le morcellement de l’enveloppe psychique et la vulnérabilité entrainée par la maladie exacerbent le besoin de réassurance et de contenance physique bienveillante. Ce besoin s’exprime à travers de l’anxiété, un repli sur soi, ou au contraire de l’agitation et parfois de la violence vis-à-vis de soi ou d’autrui.

Ce qui doit être contenu et transformé grâce à l’enveloppe, ce sont bien les angoisses archaïques de dissolution, d’abandon, de fusion, de fragmentation. Les enveloppes s’incarnent dans le champ du soin à travers de multiples formes : les professionnel·le·s, leur présence et leurs gestes bienveillants, la relation intersubjective, les soins, à travers toutes les formes de toucher relationnel et enfin le matériel et les espaces, depuis le hamac jusqu’aux chambres d’isolement. Bien sûr, elles ne sont pas toutes à mettre au même plan car elles portent des objectifs thérapeutiques différents. Cependant, en ce qui concerne la matérialisation des fonctions d’enveloppement et de contenance, le protocole qui les régit et l’esthétique qu’elles dégagent interrogent sur leur capacité à prendre en compte la sensorialité des personnes en souffrance : on peut les vivre comme des contraintes plus que comme des soins. 

Alors, comment repenser la conception de ces enveloppes ? Peut-on imaginer les déployer dans les espaces et dans les objets déterminant les gestes de soin ? Cette approche permettrait d’envisager la qualité d’hospitalité des services de soin à travers le prisme d’une sensation physique et psychique intime : celle de se sentir enveloppé. Dans un article, le psychologue et psychanalyste Albert Ciccone tente d’établir une liste de ce que serait les qualités d’un objet contenant, faisant fonction d’enveloppe* : portage, soutien, holding, confort, pare-excitation, intimité, exclusivité, capacité de rêverie, sollicitation vers des niveaux de présence, d’intégration, d’organisation, d’expériences émotionnelles plus élevés, rythmicité des expériences. Les principales qualités de l’objet, pour assurer la fonction contenante, et qui regroupent toutes celles-ci, sont l’attention et la pensée.